Arrêté par hasard lors d'une descente du FBI contre un groupuscule terroriste, Kryçèk met Mulder et Scully sur la piste d'un soi-disant diplomate transportant un échantillon de roche extra-terrestre; mais le scientifique qui l'examine est soudain infecté par l'huile noire qui s'en échappe... Pendant que Scully est convoquée à témoigner sur ces événements devant une commission sénatoriale, Kryçèk guide Mulder jusqu'à un goulag à Tunguska au fin fond de la Sibérie, où sont menées des expériences sur l'huile noire...
Premier reproche, on ne voit pas ce que Kryçèk fait là. Emmuré vivant dans le silo anbandonné dans Apocrypha, il n'avait aucune chance de survie, devrait être mort et n'aurait jamais dû réapparaître. Certes il y a forcément une raison à sa présence, il a bien dû trouver un moyen de sortir, mais ce moyen ne nous a jamais été révélé en 9 saisons, et ça restera l'une des plus graves béances scénaristiques de la série.
Second reproche, plus grave, alors que le retour de l'huile noire aurait dû apporter une cohérence bienvenue à la mythologie, c'est tout le contraire car l'huile noire montrée ici n'est clairement pas DU TOUT la même que celle montrée précédemment. Dans Piper Maru/Apocrypha, l'huile noire est une entité consciente liquide et homogène qui peut contrôler le système nerveux de ses hôtes mais les laisse indemnes quand elle en sort et elle est radioactive, ici elle est composée d'une multitude de petits vers, invertébrés et inconscients, qui infectent et affectent gravement leurs hôtes mais ne sont pas radioactifs. Certes ils sont bien dégueux et très jolis à voir, mais à mes yeux ils n'apportent vraiment aucune explication à Piper Maru/Apocrypha. C'est réellement dommage...
Mais une fois ceci dit et mis de côté, il est indéniable que ce mytharc dynamique et tendu est très bon! Si on passe sur l'exaltation naïve de Mulder, bien aveugle de croire Kryçèk, tout à fait dans la lignée de l'espèce de folie douce qui le caractérisait à cette période, les voir Kryçèk et lui faire équipe sur le terrain est un ravissement! Quel déluge de testostérone!!! Ils sont beaux comme des dieux grecs et on croirait que leur look et la façon de les filmer ont été étudiés spécialement pour rameuter un maximum de public féminin (moi y compris... ). Le scénario est ambitieux et plein de surprises, nous amenant en Sibérie dans un goulag sinistre aux mains de tortionnaires quasi barbares, il fallait oser, l’ambiance est saisissante, grâce à des décors superbes, un clair obscur tantôt bleuté tantôt automnal et flamboyant et une musique d'ambiance, souvent plus proche du simple bruitage mais ô combien efficace, et cette première partie résolument tournée vers l'action recèle des scènes-choc fort bien filmées, notamment la poursuite à cheval qui m'avait clouée la première fois que je l'avais vue, et surtout la scène finale, terrifiante de sadisme et surtout capitale parce que c'est la 1ere fois de la série que Mulder est physiquement impliqué et devient lui-même la preuve de la Vérité qu'il recherche...
Moins tournée vers l'action et sensiblement plus dense et plus complexe, la deuxième partie en est aussi plus intéressante, car c'est celle qui révèle enfin la cohérence interne du mytharc dans son ensemble et l'étendue de la menace que représentent les événements qui y sont narrés.
On passe d'une simple course-poursuite pour s'emparer d'un échantillon d'huile noire à une véritable conspiration internationale dont les différents pays-membres se concurrencent et se sabotent les uns les autres et dont de pauvres innocents sont les victimes et les personnalités a priori les plus respectables, les coupables! La bassesse, la malhonnêteté et l'absence totale d'amour-propre de Kryçèk y sont éclatants et son camarade tueur Vassily Peskow fait froid dans le dos, tandis que Scully, qu'on a plaisir à voir travailler en laboratoire et faire des recherches, bref se rendre réellement utile et solidaire avec le travail de terrain de Mulder, se montre délicieusement cynique, défiante et culottée face aux ronds-de-cuir de la commission sénatoriale aux mains de la conspiration, les accusant ouvertement avec un applomb qui leur claque à la gueule aussi bien qu'un "je vous emmerde" lors du pseudo-procès.
Le reproche que j'ai à faire c'est qu'on ne voit pas trop en quoi se couper le bras où les médecins russes font l'injection peut permettre d'échapper aux expériences, car il leur suffit de piquer ailleurs, ce qui rend la scène d'amputaion de Kryçèk, horrible et complaisante, inutile. Autre reproche, la fin va un peu trop vite, j'ai même dû rembobiner et me repasser la scène pour comprendre comment et pourquoi Mulder et Scully comprennent que la roche est au Canada.
Cependant, la musique de cette deuxième partie, mélodieuse et originale, est particulièrement bonne, ainsi que les cadrages audacieux et spectaculaires de la superbe réalisation, l'intrigue est prenante et la fin, délicieusement cynique.
Bref on passe un excellent moment devant ce mytharc bien qu'il fasse assez peu avancer la mythologie.